lundi 25 mars 2013

La vie sans equalizer

On peut résumer le TDAH, en disant que les fonctions exécutives défaillent - ou disons ne fonctionnent pas à plein régime. Ces fonctions, ce sont plein de micro-programmes cérébraux (pour filer une métaphore informatique) qui gèrent le passage à l'acte et l'enchaînement des étapes des choses à faire. C'est pour ça que l'ordre, le suivi de la procédure, l'organisation, ce n'est pas trop notre truc. Or ces fonctions, mystérieusement, gèrent aussi la modulation des émotions. Du coup, on baigne dans une vie affective pleine de relief,
en stéréo et en couleurs, et à pleine intensité.

Pas de léger énervement : on est énervé à fond. Pas de petit coup de tristesse : c'est carrément l'état semi-dépressif. C'est agréable quand on a des émotions agréables : c'est sympa d'être super-joyeux, ou esbaudi d'émerveillement devant une simple fleur. Ça l'est moins d'être enragé ou mort de peur. En gros, nos cerveaux n'ont pas d'equalizer émotionnel.

Ça explique un certain nombre de passages à l'acte. Et d'hypersensibilités.

Dans mon cas, ce qui m'a longtemps gêné, c'est l'intensité de l'affect rattaché à un souvenir. Si je me rappelle une scène où je ressentais une émotion, cette émotion me revient telle quelle, sans equalizer, aussi intense qu'à la première fois. Ça cogne. Les réminiscences des conflits de la cour de récréation sont un calvaire pour moi. Les grosses peurs, les humiliations, les désarrois : tout revient aussi fort qu'au premier jour.

Les joies aussi, heureusement ! Mais il faut que je fasse un petit effort pour les retrouver et les évoquer, au milieu de la panique générale. Jusqu'à ce que le  souvenir agréable "pousse" le souvenir désagréable, et me ramène à un état plus stable. Il m'a fallu pas mal d'entraînement pour arriver à ça.

Longtemps (merci, psychanalyse), j'ai cru que je collectionnais les traumatismes, vu l'intensité des évocations. Maintenant, je vois que non, c'est tout simplement que le bouton du volume est poussé à fond tout le temps. Je n'ai pas spécialement été traumatisé, mais tout bêtement, mes souvenirs me braillent dans les oreilles. Et bien, c'est curieux, depuis que je le sais, je me sens beaucoup moins triste et beaucoup plus détendu.

Je ne suis pas une victime, j'ai juste un réglage différent.

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