lundi 15 juillet 2013

Parler psy : quelques âneries courantes

A singer les spécialistes, on arrive (très) rapidement à dire des âneries. De même que pour les disciplines artistiques et pour l'économie, plein de gens se sentent compétents dans le domaine de la maladie mentale. Ça a l'air facile, ils sont tous "fous" ou "dérangés", ça ne va donc pas leur faire de mal si on dit des bêtises, n'est-ce pas ... Et puis les mots sonnent bien, ça fait chic.

Petit florilège des mots de la psychiatrie utilisés à tort et à travers par la presse, qui est censée éclairer les masses populaires par l'information et le sens critique (lol)...


Psychose : non, ce n'est plus une affection où le malade perd pied avec la réalité et délire, dans les journaux, c'est une grosse panique, ou une peur intense. Très souvent utilisé dans des phrases injonctives : "il ne faut pas céder à la psychose", "il ne faut pas tomber dans la psychose", etc. Tout ça pour dire "arrêtez de déconner", on peut trouver plus courant comme vocabulaire que cette dénomination spécialisée. Je remarque que c'est souvent le peuple, la masse frustre, qui "cède à la psychose", jamais les "élites". C'est donc une insulte voilée adressée au peuple inculte et abruti par des médiacrates censés être éduqués et raffinés.

Pourtant, quand on nous explique depuis vingt ans (plus ?) avec une grande constance que la crise est finie, qu'elle est derrière nous, que ça repart, etc., on peut se poser des questions : serait-ce de la psychose (au sens propre : avec délire) ?

Schizophrène : le plus irritant ; au lieu de désigner une maladie mentale particulièrement pénible et difficile à vivre, qui frappe 0,5 % de notre population, ce mot s'utilise maintenant couramment pour dire "incohérent" ou "illogique". Quand quelqu'un dit quelque chose et fait le contraire, hors de question de l'appeler "menteur" ou "pipoteur" : on dit "complètement schizophrène" ! D'ailleurs, dans cette acception baroque, on n'est jamais "un peu" schizophrène, on est toujours "complètement schizophrène". On voit que les imbéciles qui utilisent ce mot n'ont jamais rencontré ni écouté un vrai schizophrène raconter sa douleur.

La version la plus chic consiste à utiliser la locution verbale prodigieusement énervante : "être dans..." et ça donne : "le gouvernement est dans la schizophrénie". A noter que ces Diafoirus du pauvre ne savent même pas épeler le mot , j'ai déjà lu : schizzophrénie et schyzophrénie (très courant : le "y" fait très savant).

Comme adjectifs de remplacement au sens strict, je suggère : décousu, incohérent, paradoxal, contradictoire, hétérogène, désordonné, absurde. Mais en fait, il faudrait le plus souvent dire : menteur, tricheur, nous prend pour des jambons, etc.

Hyperactif : quand c'est un enfant, c'est difficile à supporter, mais quand c'est un adulte, c'est très bien vu des media, apparemment. Notre précédent président était toujours valorisé comme un "grand hyperactif" (on n'est jamais un "petit hyperactif"), il était même censé avoir cinq ou six cerveaux. On ne dit donc jamais "agité", "dispersé", ou "excité", c'est dévalorisant. Bizarrement, c'est un des rares mots de la psychologie qui hérite d'une connotation positive, ouf, on aurait pu craindre le pire, vu ce qu'on a entendu pendant notre enfance !!

Autiste : très très énervant ; cette famille de troubles neurologiques très complexes (1 % de la population quand même) est ultra-simplifiée par les media : le mot s'utilise à la place de "sourd". Le gouvernement n'est pas "sourd" aux appels de la Banque Centrale (ou du PS, ou du peuple), il est "complètement autiste". Ça veut dire qu'il n'écoute pas et qu'il ne tient pas compte de ce qu'on lui dit. A la façon dont il est prononcé, le mot a une nuance péjorative très nette : on n'ose pas dire "complètement con", mais ça se sent. C'est donc une insulte à peine voilée à tous les autistes.

A noter qu'on est jamais "un peu" autiste, on est toujours "complètement autiste", c'est comme schizophrène, c'est tout ou rien. Fromage et dessert.

Il y a même des fois où le gouvernement (ou le comité central du parti X) est "complètement autiste", tout "en étant dans la schizophrénie la plus totale". Là, ça craint, parce que du coup, "tout le monde va tomber dans la psychose".

;-)



1 commentaire:

  1. Incroyable mais vrai : j'ai entendu a la radio un de ces pontes de la comm' dire d'un ton sentencieux : "le gouvernement est complètement autiste, on n'ose pas dire complètement idiot".

    Ben non, "on n'ose pas". Mais "complètement autiste", ça, on ose, pas de problème !

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